Wade B. | done

RYAN HAWKINS _ J'parie que t'as la trouille.
WADE BLUEBERRY _ Moi, la trouille? Je te dis que je peux le faire.
RYAN HAWKINS _ Ah ouais? Bah vas y, prouve le.

Seattle était peut être de toutes les grandes villes de ce pays, la plus ennuyeuse... Ici, on était loin de connaître la frénésie New Yorkaise, le sable chaud de Miami ou de Los Angeles... Seattle ? Il n'y faisait jamais bien chaud, le temps y était souvent maussade, et les magasins fermaient bien plus tôt qu'ailleurs. Si bien qu'ici, les gosses s'occupaient comme ils le pouvaient. Wade et son ami Ryan avaient vite découvert qu'il n'y avait rien de mieux que l'adrénaline pour vous donner enfin la sensation d'être vraiment vivant. Âgés d'à peine dix ans, ils avaient passé leur vie ici, et se sentaient déjà étouffer dans cette ville sans attraits. Si bien qu'ils se donnaient en permanence une multitude de défis à relever... Mais celui que Ryan venait de proposer à Wade mettait la barre un cran plus haut. Du vol? Le petit Wade ne savait pas s'il devait ou non relever le défi. Et s'il se faisait prendre? Mais piqué à vif devant les remarques de son ami, il ne se voyait pas baisser les bras. Mieux valait prendre le risque, plutôt que de passer pour une mauviette devant lui. Wade avait sa fierté. Il préférait la suivre, plutôt que d'écouter sa raison, si insignifiante à cet instant.
S'avançant prudemment en direction du magasin de jeu vidéo que son ami avait pointé du doigt, Wade agrippa une pierre qu'il avait ramassé quelques minutes plus tôt, et la lança avec vigueur contre la vitrine. Celle ci se brisa dans un vacarme de verre brisé, tandis que sans plus attendre, Wade rentrait dans la boutique, éclairée par le seul réverbère qui brillait dans la rue. Sa respiration était saccadée, comme s'il venait de faire une course. Il sentait son cœur battre la chamade, tandis que ses petits doigts ramassaient le précieux butin qu'il était venu dérober. Des consoles portables, des cartouches de jeu... Tout ce qu'il pouvait glisser dans ses poches était susceptible d'être volé. En à peine cinq minutes, il avait prit tout ce que ses bras étaient capables de transporter, et s'en allait rejoindre Ryan, restait à l'extérieur du magasin. C'était son premier vol, un succès sur toute la ligne. Lorsque les sirènes de police raisonnèrent au coin de la rue, Wade et son acolyte étaient déjà dans une rue adjacente, à admirer leur trophée.

RYAN HAWKINS _ Et là, t'as la trouille ?
WADE BLUEBERRY _ Non. Mais pense un peu à tout ces gosses de riches qui vont bientôt pleurer. Eux ils peuvent avoir peur.

Dix ans plus tard, ou presque. Et toujours les mêmes. Ryan et Wade, inséparables ces deux là. De l'eau avait coulé sous les ponts depuis cette histoire de vol. Ils étaient passés au niveau supérieur, depuis. Ils adoraient monter des arnaques pour s'en mettre les pleins les poches. Comme Robin des Bois, ils volaient aux riches. Mais les pauvres, dans l'histoire, c'était eux, et ils se gardaient bien de partager avec quelqu'un d'autre. Wade s'était lancé dans tout un tas de petits trafics, allant de la drogue aux paris en tout genre. Il adorait toujours autant le frisson que comportait chaque prise de risque. Mais avec le temps, il avait apprit à jouer avec les gens comme personne. Il s'était fait pas mal d'argent, pas mal de soucis, aussi, et pensait qu'une fois son diplôme en poche et le lycée terminé, il serait temps pour lui de dire adieu à Seattle. Sa mère aurait voulu le voir faire une grande école, et puisqu'il n'avait jamais rien fait selon ses désirs, il se disait que pour une fois, il pouvait prendre le temps de l'écouter. Et finalement, il se dit qu'elle n'avait peut être pas tord, peut être, après tout, allait il pouvoir se destiner à quelque chose de bien. Cette argent qu'il avait amassé servirait à payer ses études, et loin, si possible, pour qu'il mette le plus de distance possible entre lui et cette affreuse ville de Seattle. Et puis, même s'il avait le comportement d'un ado difficile, il avait toujours eu de bons résultats scolaires, ce qui lui laissait un vaste choix pour l'avenir. Alors, résolu à partir, il décida de s'inscrire à Santa Cruz. Le soleil, la plage, le sable chaud, tout ce qui manquait à Seattle.
Quatre ans plus tard, Wade est toujours là, bien décidé à laisser une trace dans l'histoire de cette université.

« Je pourrais vous dire un tas de choses sur moi... Mais la plupart ne seraient que mensonges. Je suis le type qui aime brouiller les pistes, entretenir le mystère. Celui qui se montre sympathique un jour, agressif le lendemain. Celui qui se ballade avec nonchalance sa clope au bec, qui lit des bouquins qui ne passionnent personne... Je fais ce que je veux, quand je le veux. Beaucoup de mecs se font passer pour des mauvais garçons. S'ils l'étaient vraiment, ils se feraient plus discrets. Moi, je n'aime pas me vanter de ce que j'ai fait par le passé. Mon casier judiciaire est long comme mon bras, et je vous garantis que je ne suis pas comme les fils à papa qui se baladent ici. Je suis imprévisible, et particulièrement égoïste. Je me suis payé mes études tout seul, et je n'ai pas l'intention de laisser quiconque me gâcher la vie. Mon argent de poche, c'est le vôtre... Je suis le fournisseur du coin en matière de substances illicites, et je suis toujours sur le coup. Ceci dit, je ne suis pas du genre à en consommer moi même, je n'ai rien d'un junkie. La fête, ça me connait. Je laisse les autres dilapider leur argent pour en organiser, je suis davantage du genre à m'inviter. Je passe d'une fille à l'autre sans soucis, mais je suis toujours étonnamment courtois. C'est peut être pour cela que j'ai autant de succès auprès de la gente féminine. Et si je respecte les femmes en général, c'est souvent moins le cas chez les hommes. Les gosses de riches, en particulier. Le simple fait de respirer le même air m'agace prodigieusement. Ils ont tout, et n'en ont jamais assez... Pour moi, né dans une famille modeste, et élevé par ma mère seule, c'est assez dur à encaisser. Je ne suis pas très patient, je suis aussi du genre à m'énerver pour un rien. Mon cynisme est ma meilleure arme, j'en use et j'en abuse. Les filles me trouvent à leur goût, pour les garçons, je suis un connard. Et très franchement, je crois qu'ils ont tous raison, je suis les deux à la fois. Et tellement d'autres encore... Mystérieux, calculateur, horripilant... A croire que toutes les étiquettes me vont. »

Sans eux ? Sans ma mère, déjà. Elle a eu le courage de me supporter et de m'aimer envers et contre tout, de se lever à trois heures du mat' pour me récupérer chez les flics, de ne pas baisser les yeux quand je lui hurlais des horreurs, de me soutenir quand enfin j'avais de graves décisions à prendre... Et puis, il y a mes amis, les vrais, ceux de Seattle. On a fait les quatre cents coups ensembles, et l'éloignement n'est pas toujours facile à supporter. Ici, c'est différent, mes amis sont plus des potes, il n'y a pas de relations aussi proches qu'avec les autres. J'suis plutôt du genre à parler à tout le monde, à divers degré d'amabilité ceci dit, et je peux dire que je suis plutôt cool avec les inconnus. Mais ma méfiance constante ne me facilite pas la tache pour avoir des amis proches. Et est ce que j'en cherche? Pas facile à dire. Je collectionne les filles comme d'autres collectionneraient les timbres, mais je traite toujours mes conquêtes avec respect, c'est probablement le seul enseignement que ma mère est réussie à me faire retenir. Il y en a une vers qui mes pensées se tournent plus que les autres. On a beau se détester un jour et s'adorer le lendemain, jouer au chat et à la souris, passer notre vie à se fuir, je sais qu'elle n'est pas comme les autres. Avec elle, je suis peut être pire qu'avec aucune autre personne sur cette planète. Je vais parfois jusqu'à la blesser au plus profond de son être, rien que pour me prouver que je peux le faire, que je ne suis pas cet homme là, faible face à ses yeux envoutants.